mardi 25 septembre 2007

Dernier train vers Monmorency

Minuit cinquante ,station Berri-Uquam.Des alarmes se succèdent au hasard des va et vient dans les guerites. Le personel affecté au metro exécule leur rituel de fermeture.Quelque jeunes sautent par-dessus les tourniquets avant de se jetter dans l'escalier qui mène au quai ou un préposé à l'entretien actionne son balai mécanique motorisé qui fait un bruit d'enfer.Le quai,en bas, est rempli d'une faune nocturne quelque peu hétéroclite:De jeunes hommes,des ouvriers aux traits ereintés par leur journée de travail,des vieillards qui semblent fuir leurs centres de santé et surtout une foule de marginaux de toutes sortes qu'on pourrait penser avoir attendu délibérément ce train misant sur la treve de vigilance des changeurs en fin de quart.À minuit cinquqnte-huit précisément le dernier train de la ligne orange en direction vers monmorency illumine le quai de ses gros phares jaunes et étourdissants comme des mains d'une créature titanesque qui viennent nous tirer de l'oubli.Alors une vague de chairs ramolies et endolories prennent d'assault les wagons de la locomotive d'acier et s'écrasent sur les sièges oranges que plusieurs convertissent aussitot en lit de fortune.Autour de nous un tintamarre inimaginable se leve de chaque centimètre des rails.Des mécanos passentsur la voie libre dans des engins non identifiables qui pouvaient etre autant des voitures lunaires que des capsules sous-marines.Ces bolides à la physionomie variée et étrange qui ne semblent respecter aucune norme d'utilité ou de confort sortent des vapeurs de la nuit .Imposible pour un usager du jour de soupconner une telle effervescene dans le métro la nuit.Les faux rails,les faux feux,des wagons expérimentaux,des trains sans toiture,des ponts glissants ,toute la préhistoire de nos trains se lachait sans vergogne et sans indiscrétion aucune dans le ventre du montreal sous-terrain.Dans l'ombilic des fers nos reves se laissaient bercés par chaque projection lumineuse qui balayait les cabines alors que la clameur des aciers qu'on chauffait pour des réparations en tout genre scandait nos fatigues .Le train n'obéissait à rien d'autre que sa voix,il sautait carrément certaines stations ,klaxonnait sans raison,toujours avec une vitesse que tous auraient qualifié de déraisonnable le jour,nous emportant avec lui dans les épaisseurs de la nuit comme s'il s'était juré de ne point nous laisser partir de son sein.Des passagers se réveillèrent trop tard pour descendre à leur station respective,d'autres descendaient mais on pouvait bien voir par les portes vitrées qu'ils continuaient de dormir sur un banc du quai.C'est ainsi que le dernier train en direction de Monmorency remontait vers le nord de la ville,vomissant sur sa route,ici et là,ces lambris d'hommes,ces épaves de femmes,un peuple de fantomes saouls de sommeil et de fatigue

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